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Le jdr, et plus si affinités

Ecrire un scénario : Miser sur l’Impro

Par Stephane 'Docteur Fox' Renard

Rubrique : Analyses
Date : 09 septembre 2009

A l’inverse de la technique décrite précédemment qui consiste à préparer les éléments du scénario à l’avance, organisés comme une série de rencontres, il est possible de se contenter d’écrire les grandes lignes d’un scénario destiné à une semi-improvisation. Le danger de l’improvisation, à moins d’être un vrai pro, c’est de rester dans la banalité, le tout venant, le déjà vu ailleurs. Pour que le scénario soit intéressant, il faut donc que vous puissiez définir à l’avance des éléments clés qui en feront votre scénario et pas une histoire lambda. Il faut vous assurer à l’avance des idées qui lui donneront son originalité.

La préparation de l’improvisation

Vous allez donc écrire les grandes lignes de votre scénario comme des outils, des supports destinés à improviser, et peut-être les regrouper sous forme de tableau ou d’organigramme sur une grande feuille blanche qui vous permettra d’avoir une vue d’ensemble du synopsis. Reprenons un exemple de scénario très classique :

-Un riche marchand vous demande de retrouver sa fille enlevée par des brigands.

Vous décidez que ce scénario sera composé de 2 étapes :

1/ Enquête : trouver le repère des brigands en parcourant la contrée
2/ Commando : monter un plan d’action pour infiltrer le repaire des brigands

Pour chacun de ces éléments, vous allez définir les points clés sur lesquels vous aurez besoin d’improviser. N’oubliez pas que certains de ces éléments vont pouvoir faire appel aux compétences des personnages. Au besoin, relisez la liste des compétences du système de jeu que vous utilisez pour trouver des idées supplémentaires.

-Un des personnages peut rendre le groupe invisible. Est-ce que ça ne risque pas de ruiner toute la partie 2 (action commando vite fait, invisible, ni vu ni connu). Cela nécessite de préparer à l’avance un petit challenge si les joueurs prévoient cette stratégie.

S’il y a une partie d’enquête dans votre scénario, vous ne pouvez pas improviser les indices au fur et à mesure. Il vous faut définir quelques indices clés qui permettront de faire avancer l’enquête et qui demanderont de la réflexion de la part des joueurs. Si vous connaissez vos joueurs, imaginez des indices qui ne sont pas à 100 km de leur façon de penser, sinon, ils risquent de tourner en rond ; ou alors, prévoyez des moyens discrets de les amener sur ces pistes.

-vous décidez qu’il est possible de trouver le repaire des brigands de 3 façons : soit en interrogeant des receleurs, soit en faisant le recensement de leurs actions, qui rayonnent certainement autour d’un point central, leur repère, soit en leur tendant un appât via des informateurs préalablement identifiés. Si les joueurs ont une autre idée, et qu’elle est bonne, on improvisera.

S’il y a une partie tactique dans votre scénario, comme un combat ou une infiltration, il vous faudra improviser un plan ou une description des lieux et des adversaires. Vous devez identifier quelques mots clés qui font de ce lieu ou de ces adversaires un défi original.

-les brigands sont en fait la police d’un Seigneur local, qui agit déguisée, à l’insu de ce Seigneur.
Ou
-le repaire des brigands est sur une île, et ils font leurs opérations en débarquant à différents points sur le rivage.
Ou
-le repaire des brigands est au cœur d’un cimetière envahi de morts-vivants. Eux seuls peuvent le traverser sains et saufs grâce à une amulette.

De façons générale, les lieux ont chacun leur particularité, leur cachet, leurs coutumes locales. Pensez aux romans de Jack Vance, où chaque petite localité a des coutumes locales exquises, et incompréhensibles aux étrangers (ou lisez quelques excellents suppléments du jeu Dying Earth). Quand vous imaginez des lieux pour votre campagne, mettez quelques mots clés qui leur donnent une originalité, ou une coutume ou une légende locale qui marque les habitants.

-la ville est construite au bord d’un gouffre qui s’est ouvert récemment, d’étranges murmures émanent du gouffre. Le Seigneur local a changé de comportement depuis que sa femme a été mordue par un loup-garou. Un cataclysme magique survient régulièrement. Chaque habitant de la ville est tenu de porter un collier en argent.

Il en est de même si vous rencontrez un dragon ou un autre type de créature centrale de votre univers : il doit avoir une personnalité inoubliable qui laissera un souvenir ou une rancune tenace aux joueurs.


Enfin, dernière touche : vérifier que chacun des PNJ clés du scénario a bien une personnalité identifiable. Il suffit de noter leurs noms et un mot clé, ou alors de préparer une liste de personnalités différentes, prêtes pour l’impro. Sinon, le MJ qui improvise risque de retomber dans ses travers préférés et de présenter aux joueurs le même archétype de PNJ avec un simple changement cosmétique.

-Je me souviens d’un scénario auquel j’ai participé où nous avons successivement rencontré successivement plusieurs puissants pirates de légendes qui étaient tous arrogants et qui voulaient tous nous nous humilier : le premier était alcoolique, la deuxième était à la tête d’un équipage de femmes pirates, la troisième se déguisait en parvenue naive, et le dernier était un esclavagiste arabisant. Il n’empêche que nous avons eu l’impression d’avoir affaire au même clone avec une perruque différente parce que ce qui ressortait à chaque fois était leur arrogance et leur obstination à nous humilier.

Un bon moyen de différencier les PNJ est de leur donner un trait de caractère, un point fort, et un point faible. Si vous laissez subtilement transparaître ces éléments, les joueurs seront ravis de les exploiter au service du scénario.

Toutes ces notes peuvent être regroupés dans un schéma ou un organigramme que le MJ pourra avoir sous les yeux lors de l’improvisation de son scénario.

Le jour J de l’improvisation

Le principal intérêt de l’impro, outre le fait de ne pas aligner des centaines de paragraphes de texte à l’avance, réside dans le fait de pouvoir s’adapter aux joueurs. D'où la nécessité d’être plus flexible dans son rôle de MJ et donc de faire en sorte que les joueurs choisissent davantage la direction où ils vont. Surtout, surtout, ne vous braquez pas contre les joueurs, eux aussi auront le droit d’improviser et d’aller où ils veulent, c’est bien le but, non ?

L’improvisation va généralement demander au MJ de faire deux choses en même temps : l’invention des événements et leur mise en scène. En somme, il faudra tenir compte des conseils donnés dans deux autres articles de cette série : écrire les évenements du scénario (méthode PMT) et les mettre en scène.

Derniers mots :

Il est aussi important pour le MJ de réanalyser ultérieurement ses descriptions avec un œil critique, ou en interrogeant ses joueurs : est-ce que mes personnages étaient vivants, bien différenciés ? est ce que vous avez bien pu visualiser les lieux ? Il pourra ainsi identifier ses points faibles au niveau de l’impro et les travailler davantage dans la préparation de futurs scénarios.

Il est aussi important de prendre des notes, au fur et à mesure du déroulement du jeu, ou de demander à un joueur de le faire : rien de plus gênant que de vouloir écrire la suite d’une campagne une semaine après et de ne plus se rappeler de ce qu’on a improvisé.

Les illustrations sont tirées des couvertures de Denizens of Freeport, The Kaiin Player's Guide et Castle Caldwell and Beyond.