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Au GRoG, on aime bien se faire ch... avec les détails !

Les Féals se dévoilent

Par Cédric Jeanneret

Rubrique : Interviews
Date : 20 juillet 2011

Mathieu Gaborit a vu nombre de ses univers adaptés en jeu de rôle (Agone, Ecryme), à l'automne prochain un autre de ses cycles sera adapté, aux éditions Sans-Détour : Les Chroniques des féals. Ce cycle de trois volumes est paru au début des années 2000 aux éditions Bragelone avant de sortir en poche chez J'ai Lu quelques années plus tard. Plusieurs nouvelles se déroulant dans cet univers sont également parues dans divers recueils. Débutant comme un cycle de Fantasy classique, les romans prennent rapidement une tournure plus sombre. Le tout présenté avec le twist si particulier de l'auteur.

Afin de patienter avant la sortie du livre de base de cette adaptation, Jérôme Isnard, un des auteurs du jeu, a aimablement accepté de répondre à quelques questions sur les Chroniques des féals, le jeu de rôle.

GROG : Merci d'accepter de répondre à quelques questions sur le futur jeu tiré de la série des Chroniques des féals de Mathieu Gaborit. Pour commencer pourriez-vous vous présenter rapidement ?

Jérôme Isnard : Bonjour et merci de votre intérêt pour notre projet. L’équipe des Sombres Sentes est un collectif d’auteurs qui s’est créé spécialement pour cette adaptation des Chroniques des féals en livre-univers et jeu de rôle. Nous parlerons tout à l’heure des origines du projet et de ce collectif.

À ce jour, les Sombres Sentes sont au nombre de sept, sept trentenaires (il paraît que c’est important…) réunis par la même envie, la même passion : faire un beau jeu de rôle à partir d’une trilogie de romans dont ils se sont dits, en la lisant ou le relisant : Tiens, ça ferait un beau jeu de rôle.

Les membres de l’équipe sont :

  • Philippe Auribeau : traducteur pour Sans-Détour, créateur de jeu de rôle et de murder-parties « pour ses potes », parmi lesquels on compte des gens comme Charlie Krank. Fondateur et coorganisateur des Chimériades, une convention biennale sans laquelle rien ne serait jamais arrivé.

  • Pierre Coppet : depuis toujours mon idole ! Il a travaillé pour pas mal de productions Multisim et, après, avec les amis qu’il avait rencontrés là-bas ou ailleurs. Pour être parfaitement honnête, je suis allé le chercher (et il ne s’est pas fait prier). Je ne voulais pas que l’on fasse ce jeu sans lui. Et je n’ai pas été déçu de sa participation.

  • Fabrice de Boni : un illustre inconnu, sauf pour ceux qui comme moi côtoient un peu le site du Souffre-Jour. Professeur de dramaturgie, il travaille pour le cinéma et éprouve une vraie passion pour les mondes de Mathieu Gaborit. Il est l’un des fondateurs du projet Féals.

  • Mathieu Gaborit : lui-même. On reviendra sur son rôle mais il faut savoir qu’il est là, au cœur de l’équipe, partout.

  • Camille Guirou : son passé de tenancière de boutique JDR et son expérience dans le milieu de l’édition nous ont été précieux. Coorganisatrice des Chimériades avec Philippe Auribeau. Elle fait partie de ceux qui ont rejoint l’équipe après la première phase et ont su redonner du souffle au projet quand il commençait à en manquer.

  • Olivier Roullier : mon grand regret, c’est qu’il est le seul membre dont je ne connais que la voix. Une personne très claire, très carrée, qui nous a apporté de la rigueur quand il en manquait, des bonnes idées quand il en fallait, et qui a un regard très ouvert et très moderne sur le jeu de rôle. Il a participé à COPS, notamment.

  • Et puis moi, donc, Jérôme Isnard, amateur de jeux de tous horizons pratiquant une profession très éloignée du monde de l’édition ludique et des cercles littéraires. Cofondateur du Souffre-Jour. Après plusieurs réunions de travail passionnées mais anarchiques, je me suis vu catapulté à la tête du projet, ce qui aurait pu me faire fuir. Rétrospectivement, je suis heureux de pouvoir dire que ce superbe projet et la belle bande qui l’a fait naître, j’en fais partie.

GROG : Pourriez-vous présenter le jeu en quelques mots ?

JI : Je ne saurai pas faire beaucoup plus court et beaucoup plus évocateur que la toute première annonce faite du jeu sur les forums dédiés (ndlr : cette annonce est disponible sur le forum de Sans-Détour, www.sans-detour.com).

Le M’Onde est un univers médiéval fantastique dans lequel des humains vénèrent des créatures mystiques, les féals, au point de pouvoir muter pour devenir certaines d’entre elles. Des royaumes se sont formés autour de ces cultes, guidés par des prêtres arborant les attributs de ces derniers (écailles, ailes, griffes…). Les énergies primordiales qui ont enfanté le monde imprègnent l’ensemble et ont notamment relevé certains morts que l’on nomme Charognards et qui marchent désormais parmi les vivants.

Mais, au-delà du monde passionnant et riche que les Chroniques des féals proposent et que je vous invite à découvrir en lisant les romans, j’aimerais que l’on s’attarde sur les intentions affichées de ce jeu.

Disons que, pour faire simple, nos objectifs sont de faire vivre des aventures médiévales fantastiques teintées d’une horreur omniprésente, mais surtout de traiter les sujets classiques propres à ces aventures au travers d’un prisme un peu différent. Il existe des choses abordées avec banalité dans la majorité des jeux de rôle de ce type mais qu’il nous semblait important d’envisager autrement, de jouer d’une façon nouvelle (voir les dieux accabler le monde toutes les cinq minutes, massacrer des tombereaux d’ennemis sans états d’âme, se transformer en bêtes surnaturelles avec délectation…). Êtes-vous sûrs que ce soit si jouissif que cela de gagner en puissance ? De se transformer en dieu ? En monstre ? Tout le monde a un jour rêvé de devenir un Dragon (ou au moins d’en jouer un) mais, en pratique, si l’on y réfléchit, est-ce que ce processus ne perturberait pas grandement les fondements de notre humanité, de notre identité ? Imaginez maintenant que le monde dans lequel vous vivez ne vous laisse pas vraiment le choix de subir cette évolution…

Voilà un premier aspect du jeu : être un homme dans un univers médiéval fantastique. Un homme réel, avec de la chair et des os, un homme qui ressent la douleur et n’aspirerait parfois qu’à vivre tranquille. Mais cela n’est que peu compatible avec le principe de ce type d’univers, les énergies créatrices et les dieux (féals) agissant sur vous au quotidien, pour votre survie mais pas forcément pour votre bien (est-ce que le Fiel agit pour votre bien quand il vous rappelle sur le champ de bataille, charognard, prisonnier d’un corps soumis à la Nécrose ?).

Un deuxième aspect du jeu est la facette mythe lovecraftien du M’Onde. On ressent ce mythe en filigrane dans les romans, je ne veux pas en dire trop à ce sujet même si, souvent, il faut plusieurs lectures pour s’en rendre compte. Un ennemi invisible, caché, auquel personne ne fait attention mais qui est pourtant partout, et pire que tout le reste. Apprendre à le voir, à le comprendre et à le combattre fait partie des moteurs d’aventure que proposera le jeu des Chroniques des féals.

L’un des derniers points-clefs qui a guidé le développement du jeu est la coopérativité. Le M’Onde est très hétéroclite et contient de nombreux peuples. Évidemment, certains royaumes se détestent et le racisme est partout. Toutefois, au sein d’un même groupe, il existe une chose, un domaine commun, une mission partagée d’intérêt m’Ondial qui permet à des personnages de tous horizons de vivre ensemble, de collaborer et, au-delà, d’associer leurs forces au travers d’une gestion de groupe qui sera développé rapidement dans la gamme. De comprendre qu’au-dessus des féals, il y a le M’Onde, et la lutte pour sa survie.

GROG : J'ai cru comprendre que le jeu se déroulait après les romans. Qu'avez-vous prévu pour poursuivre l'histoire ?

JI : En effet, le jeu se déroule exactement cinquante ans après les romans. Les événements qui s’y sont déroulés ont bouleversé la face du M’Onde et les royaumes ont du découvrir et accepter, ou non, un certain nombre de choses.

Je conseille vivement à tous ceux qui n’ont pas lu les romans de passer à la question suivante, car je m’apprête à dévoiler une partie de leur intrigue.

À l’issue des romans, Januel ramène la Charogne sur le M’Onde. L’ennemi invisible lui est révélé. L’orage qui relève Sildiin une seconde fois, la foudre exodine, la Nécrose… Le Néant derrière tout cela.

Januel va devoir concilier de nombreux rôles. Il est grand maître de la guilde phénicière, roi de Charogne, assassin recherché par l’empire de Grif’ et élu des Ondes pour initier les royaumes à la lutte contre le Néant, le premier et dernier ennemi du M’Onde.

Deux éléments tissent la trame de cette suite aux romans :

  • L’amplification de l’action du Néant. La plus facile de ses proies, la Charogne dont il se délectait via la Nécrose, lui a été retirée. Il n’a plus qu’une cible, le M’Onde réunifié. Les royaumes commencent alors à avoir conscience de l’inéluctabilité de sa victoire et de nombreuses théories naissent autour de cet an 1000 qui n’est plus très loin (le jeu débute en 995).
  • La formation des fratries : partout dans les royaumes, des gens meurent du Néant, emportés par l’Oubli, d’étranges maladies, l’érosion… L’horreur des âges sombres se mêle à cette influence mystique pour créer un climat de misère et de déclin. Pourtant, certains héros survivent au Néant, marqués par lui mais soutenus par les féals. Leur corps accélère ses mutations pour compenser le drain permanent que constitue cette marque de vide, cette béance née de la confrontation à l’horreur absolue. Et puis, dans leurs songes, dans leurs visions, ces survivants devinent, de l’autre côté de leur souffrance, d’autres personnes comme eux, des individus qui ont eux aussi conscience de la menace, l’ont regardée en face et ont décidé de lutter. Réunis en fratries, ils prennent la route, cherchant par tous les moyens à ralentir l’approche de la fin des temps. Ils ont cinq ans pour cela.

GROG : On comprend à la fin des romans que la Charogne n'est pas "mauvaise'. Sera-t-il possible de jouer des personnages ambivalents, ou même complètement charognards ? On pense naturellement aux points de Ténèbres et de Perfidie d'Agone, y aura-t-il un système équivalent ?

JI : Devenir Charognard, ou Onde, n’a rien à voir avec l’évolution progressive que peut connaître un personnage ténébreux ou perfide dans Agone. À la limite, cet aspect de déchéance progressive se retrouve davantage dans l’évolution naturelle des personnages vers leur féal, un processus de sombre transcendance que l’on appelle le mimétisme.

Toutefois, oui, Charognards et Ondes existent toujours et sont bien présents dans le jeu de rôle. Mais il n’est pas certain que les uns et les autres soient réellement des « gentils ». L’acceptation de la Charogne comme peuple du M’Onde est un enjeu du jeu lui-même. Parvenir à la même conclusion que celle du lecteur à la fin des romans n’est pas si simple, quand on est paysan ou marchand du M’Onde, que toute sa famille a été massacrée par des zombies et que les mêmes zombies tentent rétrospectivement de vous expliquer qu’ils n’avaient pas le choix et qu’ils sont désolés d’avoir changé votre femme en liche amnésique et malfaisante. De plus, Januel n’a pas survécu aux cinquante dernières années, victime de la Nécrose. Son successeur a-t-il la même ouverture d’esprit que lui ? Suivra-t-il la même politique progressiste et tolérante ? Pas certain.

Pour répondre à la question, oui, il existe des personnages en demi-teinte. Tous le sont, en fait, par l’intermédiaire d’un mimétisme féal qui n’est pas forcément anodin et par la tentation du Néant, la marque dont on parlait tout à l’heure.

Quant à jouer un Charognard ou une Onde, il faudrait pour cela que votre personnage meure, ce qui serait dommage. Ai-je dit à quel point le système de jeu était létal ? Cette mort viendra sûrement, tôt ou tard… Mais pas tout de suite.

GROG : Quitte à parler du système, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

JI : Tout à fait. On commence d’ailleurs à en discuter sur les forums.

Ce système a été créé spécialement pour les Chroniques des féals et ne revendique aucune influence particulière.

Nous avons surtout cherché à obéir à l’ensemble des contraintes que nous nous étions fixés, et sommes heureux d’avoir pu toutes les respecter.

  • la légèreté : nous voulions quelque chose de léger. À la fois en termes de volume de lecture, d’informations à retenir, mais aussi en termes de mise en pratique autour d’une table de jeu.

  • la complétude : le M’Onde est dense, vaste, et propose pas mal de choses à simuler. À quoi bon posséder des ailes de Griffon si l’on ne peut pas voler ou combattre en vol ? À quoi bon savoir mille choses sur les féals et leurs produits (cornes de licornes, écailles de Dragon…) si l’on ne peut rien en faire ? À quoi bon avoir conscience de l’Onde et du Fiel s’ils ne sont que des énergies abstraites ?

  • la liberté d’innovation : nous voulions que tout ce qui a un intérêt aux yeux des utilisateurs puisse être simulé. Le commun, et le moins commun. Les joueurs ont souvent des idées précises de leurs personnages et il est dommage de devoir arpenter des tonnes de listes pour finalement bidouiller une règle maison afin de rendre compte des particularités de chacun. Nous ne voulions pas non plus voir nos meneurs et joueurs coincés par une description de pouvoir précise et restrictive. Dans le roman, Scende la Draguéenne possède un pouvoir du peuple aspik, ce qui est une hérésie absolue du point de vue des féals. Mais après tout, pourquoi pas ? Il fallait que le système, en respectant le roman, le permette. Et il le permet.

En pratique, quel est le résultat ?

Un système qui tient, de la première page de création de personnage à la fin du bestiaire, en moins de 50 pages (nous laissant du volume pour la description du monde et les scénarii).

Il est basé sur l’utilisation d’un certain nombre de D10. Chaque lancer permet d’obtenir des succès (tout dé ne dépassant pas le seuil de l’action) dont le nombre doit égaler la difficulté d’action.

À partir de là, il nous a fallu tisser le M’Onde : les options d’utilisation des énergies (et pourquoi le Fiel est si puissant mais si incontrôlable), les voies de magie (et comment rendre les miracles des féals infinis sans déséquilibrer le jeu ni trahir la philosophie de chacun) et la fluidité (pourquoi perdre une heure de combat contre un garde qui n’a pas plus d’intérêt que le marchand qu’on a baratiné cinq minutes plus tôt ?). Et puis aussi, surtout : comment je peux échapper au Néant et comment ce dernier essaie de m’attirer vers ma fin ?

Au final :

  • 4 niveaux d’existence sur lesquels le Néant peut agir pour vous tuer physiquement mais aussi de façon spirituelle (par la folie, une sorte de santé mentale), sociale (à quoi bon vivre quand on est invisible aux yeux du M’Onde ?) ou mystique (le côté obscur est toujours tentant).

  • Des options essentiellement centrées sur le mimétisme des féals, l’érosion par le Néant et le soutien de nos actions par les énergies.

  • Des choix de mécanismes qui permettent de traiter d’une même façon un marchandage de souk et un combat simple, et d’une même autre façon le grand combat final et la négociation acharnée dont dépend l’avenir d’un fief tout entier.

  • Un système « boite à outils » avec pas mal d’informations sur la façon d’improviser un PNJ-minute ou une option maison.

GROG : Au sujet de la gamme, est-ce que des suppléments sont déjà prévus ? Est-ce une gamme fermée ou ouverte ?

JI : L’écran sortira en même temps que le livre de base et des suppléments suivront. Le principe de la gamme repose sur un accompagnement au travers des dernières années présumées du M’Onde, jusqu’en l’an mil. Il s’agit donc d’une gamme fermée. Mais l’an mil amènera-t-il l’apocalypse annoncée ? Si le but des joueurs est bien de l’empêcher, qui sait de quoi ils seront capables ?

En dehors de cette gamme de jeu de rôle fermée, des idées de développement de produits « alternatifs » voire « participatifs » fleurissent, mais rien n’est clairement défini.

GROG : Le projet est en gestation depuis quelques années il me semble. Que pouvez-vous nous dire de sa genèse et de sa réalisation ?

JI : Le projet Féals est né il y a quatre ans. Lors d’une rencontre entre Mathieu Gaborit et quelques-uns des Sombres Sentes. Aux Chimériades 2007, le samedi soir, vers 23h00 (ça ne fait pas trop fétichiste, tous ces détails ?).

De nombreuses avancées, réflexions et fondations ont été posées jusqu’en décembre 2008. Nous avions alors une version de travail assez satisfaisante et un excellent contact avec un éditeur. Hélas, rien n’a abouti à cette époque et cela a un peu été la douche froide. Certains ont continué à travailler au ralenti, tenant la barre du mieux qu’ils pouvaient, les autres ont attendu, dépités. Et puis, lors des Chimériades 2009, j’ai rencontré grâce à Philippe les éditions Sans-Détour. Je crois que la Chimère est clairement le féal qui nous a le plus soutenus …

Le projet est alors reparti de plus belle, un seul membre n’ayant pas souhaité continuer. Tout a repris à partir de là : finalisation des accords avec l’éditeur des romans (Bragelonne), mûrissement du projet, écriture et réécriture, adaptation à un format livre-univers cher à Sans-Détour, refonte du système, playtests, choix de l’illustrateur, des meilleures options à notre disposition pour faire un bel ouvrage tout en restant dans une tranche de budget cohérente…

L’aspect graphique de la gamme était extrêmement important pour Mathieu Gaborit et a également fait partie des points de ralentissement. Réaliser l’intégralité de l’ouvrage en collaboration avec un unique illustrateur, impliqué dans le projet, inspiré et compatible avec nos propres visions de cet univers était un pari risqué. Nicolas Fructus a relevé le défi, pour notre plus grand plaisir et un résultat au-delà de nos espérances.

GROG : Sans-Détour, l'éditeur du jeu, n'a que peu communiqué sur celui-ci. Est-ce du à une volonté particulière des auteurs ou a des impératifs de l'éditeur ?

JI : Essentiellement des impératifs éditoriaux, mais la communication va prendre une ampleur différente dans les prochaines semaines. En fait, aucun secret n’a été réellement entretenu (les Draguéens me pardonnent…) mais nous voulions être certains de ne pas faire d’annonces en l’air et d’avoir suffisamment de certitudes sur la date de sortie assurée. Des bruits avaient filtré en 2008 et nourri des espoirs chez certains fans qui se sont vus déçus lorsque d’importants délais ont été annoncés, je ne voulais pas revivre la même situation.

Samuel, de chez Sans-Détour, nous guide progressivement, nous lâche la bride avec parcimonie dans le but d’avoir une communication réfléchie. Surveillez bien le net. Des discussions ont commencé, les auteurs y répondent, et les premiers visuels ne tarderont plus, désormais.

GROG : Quel a été le rôle de Mathieu Gaborit dans la réalisation du jeu ? Avez-vous pu vous baser sur certaines de ses notes ou avez-vous du travailler uniquement depuis le matériel présent dans les romans ?

JI : Bien au-delà ! Mathieu fait partie intégrante de l’équipe et nous considère tous comme ses camarades de création (ce qui est parfois assez déroutant…).

Nous avons de nombreuses réunions, physiques ou téléphoniques. Compte tenu de l’éloignement de nos différents membres, nous sommes devenus de grands adeptes de l’audioconférence.

Dans les premières phases, Mathieu a servi le projet comme nous tous en développant des idées, en lançant des trucs en l’air, en creusant pour trouver des fossiles. Les romans ont été une base très solide que nous avons eu à cœur de respecter autant que possible, mais que nous voulions aussi prolonger. Il y avait tant de non-dits, de silences que nous voulions combler !

Tout au long du développement, et dans la mesure de son temps, Mathieu a guidé les idées, mettant en lumière nos bonnes pistes et écartant les mauvaises, nous aidant à progresser dans le bon sens.

Le jeu de rôle contient donc vraiment beaucoup de Mathieu Gaborit, au moins en termes de concepts et d’envies. Plusieurs pages sont mêmes de sa plume !

Et puis, Mathieu a recruté Nicolas Fructus ! Il l’a choisi, il l’a briefé et, encore aujourd’hui, ces deux-là font régulièrement des réunions de travail pour affiner le design des illustrations.

GROG : Ce n'est pas le premier univers de Mathieu Gaborit à être adapté en jeu de rôle; comment ressentez-vous l'attente de certains fans ? Surtout par rapport à Agone qui a laissé une trace forte dans l'imaginaire rolistique francophone.

JI : Pour être honnête et sans le dénigrer (d’autant que c’est certainement le jeu auquel j’ai le plus joué et fait jouer), je pense qu’Agone est assez loin, en termes de paternité, des Chroniques des féals. Sur le forum du Souffre-Jour, on parle depuis des années d’Agone 2 et j’espère vraiment en être le premier acheteur s’il voit le jour, mais les joueurs d’Agone et les fans de Mathieu Gaborit ont aussi envie d’autre chose, comme lui-même a eu envie d’autre chose que des Chroniques des crépusculaires en écrivant les Chroniques des féals.

Je ne pense pas que les deux jeux de rôle se ressembleront ou seront comparables. J’ai croisé pas mal de gens qui avaient aimé l’une des trilogies de romans, et pas l’autre. Et d’autres qui avaient aimé les deux. Je pense qu’il en sera de même pour le jeu de rôle mais, dans tous les cas, je ne pense pas qu’on pourra dire « Non, ce soir on ne joue pas à Féals, on a fait du Agone la semaine dernière, on change un peu ».

Après, il est évident que même si les deux œuvres ne cherchent pas à se ressembler, il y a du Mathieu Gaborit, sa touche, dans chacun d’eux.

Considérons-les comme frères, mais certainement pas jumeaux. Ce qui n’empêche pas la famille de s’agrandir !

GROG : Quasiment l'intégralité des œuvres romanesques de Mathieu Gaborit ont été adaptées en jeu de rôle, Mathieu sort un nouveau roman (Les Chroniques du soupir) en septembre prochain, une adaptation en jeu de rôle est-elle déjà prévue ?

JI : Absolument pas. Mathieu est très secret sur ce roman, aucun des Sombres Sentes n’en connaît d’ailleurs le contenu (à l’exception des informations distillées au compte-gouttes par le Pré aux clercs).

Les Chroniques des féals est un projet qui nous suffit largement pour l’instant.

Mais qui sait, dans 10 ans…

GROG : Un mot pour la fin ?

JI : Un grand merci à tout ce qui a fait que ce projet est aujourd’hui possible. À ceux qui y ont cru, parce que ce n’était pas gagné d’avance, et à ceux qui n’y ont pas cru, parce qu’ils nous ont poussé à améliorer le jeu, chaque jour, pour atteindre sa version actuelle.

Je sais que plusieurs d’entre nous ont travaillé avec beaucoup de cœur pour que le résultat soit à la hauteur de leurs espérances. J’espère que vous ressentirez cette passion, cette envie, ces tripes qu’on y a laissées, et que vous en retirerez une excellente expérience de jeu !