Un soir de 1982, dans les locaux de Normale-Sup, je fus initié par quelques rôlistes que j'avais rencontrés dans les couloirs de Jeux & Stratégie à l'époque où je faisais des jeux en encart. Didier Guiserix et François Marcela-Froideval venaient de lancer un magazine spécialisé dans les jeux de guerre et de rôles : Casus Belli. Un des joueurs de cette première partie mémorable n'était autre que le fameux Gros Bill, qui allait devenir un archétype pour des générations de joueurs. La partie s'était terminée par une longue discussion avec le M.J. pour savoir s'il était crédible, pour franchir un ravin, de jeter de l'autre côté un de nos compagnons, un guerrier nain, muni d'une corde. Le nain était volontaire, mais le Maître de Jeu argumenta longuement avant de valider l'action. Quelques années plus tard, d'ailleurs, le lancer de nains fut interdit par la jurisprudence du monde réel.
Peu après mes débuts dans le jeu de rôles, j'entrai en contact avec Gérard Klein, grand auteur de SF et directeur de la collection Ailleurs et Demain, chez Robert Laffont. Son idée était de proposer un jeu de rôles de SF français, vendu sans boîte et dans le circuit des librairies. Après un an de travail acharné mais exaltant avec Manchu, Empire Galactique paraissait et son succès immédiat prouva la pertinence des idées de Gérard. Malgré la parution de plusieurs suppléments (Frontières de l'Empire, Encyclopédie galactique 1 et 2), toujours dessinés par Manchu et rédigés avec une talentueuse équipe de scénaristes rencontrés au cours des nombreuses démos dans les conventions de JdR, le jeu ne réussit pas à s'implanter durablement. La parution de Star Wars, le jeu, sonna le glas de l'aventure en 1987. À l'époque, la vague du jeu de simulation, portée par le journal Jeux & Stratégie, s'essoufflait et le jeu de rôles connaissait une frénésie de traductions de titres américains qui laissait peu de place à la production française.
C'est sans regret que, pour continuer à vivre de mes activités ludiques, je me tournai vers un univers plus prometteur, qu'on appelait, je n'ai jamais compris pourquoi, les jeux vidéos. En 1988, le marché se disputait entre les plates-formes Atari et Amiga et les jeux, en 16 couleurs maximum, ne devaient pas dépasser le format d'une disquette. On déclinait aussi les jeux vers un standard plus répandu et prometteur, malgré ses contraintes (4 couleurs hideuses, pas de son et moins de 500 KO de RAM...), le PC. Je commis une douzaine de jeux pour Coktel Vision, dont les plus réussis furent ESS, Skidoo et une adaptation en 3D d'Empire galactique. Puis je travaillais avec Infogrames pour Marco Polo, une adaptation d'un jeu de plateau qui ne vit jamais vu le jour. L'adaptation en jeu CD-Rom de l'univers des Guignols de l'Info me permit de travailler sur de nombreux projets innovants avec l'équipe des nouveaux programmes de Canal+, dirigée par Alain Le Diberder : lancement d'une chaîne de jeux sur Canal Satellite, télévision interactive, nombreux jeux et concours sur Internet, notamment dans le cadre du 2ème Monde. Toutes ces activités électroniques ne m'ont pas fait oublier les folles nuits du jeu de rôles, et malgré les progrès techniques, les facultés cognitives du programme le mieux conçu restent ridicules devant les potentialités du cerveau humain d'un maître de jeu.
Le jeu dont je reste le plus fier est celui qui a sans doute le moins bien "marché", Avant Charlemagne. Je le vois comme l'aboutissement de ma vision du jeu de rôles. Une règle simple (20% du texte), une approche rigoureuse sur le plan historique, mais préservant magie et onirisme. Enfin, après un an de travail acharné, une sensation de plénitude que je n'ai pas retrouvée avec les jeux vidéo qui sortent, trop souvent, dès l'avant-dernier bug résolu (le dernier faisant l'objet d'un patch !)...
Mon jeu de rôles préféré, à part Empire Galactique, était l'Appel de Cthulhu, mais j'avais plutôt des M.J. préférés que des jeux. J'ai beaucoup joué à Civilization (versions plateau et micro), Dungeon Master, Doom, Quake, Age of Empire. Malheureusement, le temps que je consacre au jeu-plaisir s'est toujours fait dévorer par la création et les tests de jeux personnels. Sinon je préfère lire, c'est mon vice principal. De moins en moins de romans (surtout de la SF), plutôt des livres historiques ou ésotériques. Je suis également collectionneur de jeux anciens, jeux de cartes, puzzles en bois, pour lesquels j'écume les brocantes. Je pratique également, en amateur, le théâtre. Mon rêve serait de participer à une pièce de science-fiction... Le reste du temps, je le consacre à la famille et aux amis.
Pour renouer avec mes racines, je viens de collaborer au JdR des Métabarons (supplément Les Maganats, à paraître en octobre 2001). Je travaille actuellement (août 2001) sur un jeu de plateau autour de la Quête du Graal et sur un jeu de rôles multi-joueurs combinant internet et téléphone mobile.
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François est décédé le 15 juin 2009 des suites d'un cancer.
Cette bio a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009. Dernière mise à jour le 12 mars 2013.