Bonjour à tous,
Il m'en a fallu, du temps, pour me décider à écrire ces quelques lignes. Nos parcours nous regardent, en un sens, et il n'en est pas de meilleurs que d'autres. Mais s'il est prétentieux de penser que le mien vous intéresse, il est égoïste de décréter qu'il ne vous regarde pas.
Il y a toujours un truc qui ne va pas. Bref. Vie et œuvre de Jérôme Isnard, version 2011-11-01.
J'ai toujours été un peu en marge, du point de vue familial. J'étais moins intéressé par les engins agricoles que par l'âge des pierres entre lesquelles on les parquait, plus préoccupé par le chaos rampant au-delà du champ que par la rectitude du sillon. Je passais tout mon temps libre à rêver, à dessiner, à sculpter, à lire. Je bâtissais des châteaux forts, sauvais des pigeons des chasseurs et rédigeais la suite des Trois Mousquetaires (celle proposée par la famille Dumas ne me convenant pas...).
Quelque part, plus de vingt ans plus tard, je suis toujours comme cela, pour le meilleur et pour le pire. Les hommes vieillissent, pas les rêves.
Je mets en scène des scénarii, toute mon enfance. Seul, le plus souvent. Ça découpe les draps pour faire des tabards templiers, ça taille des épées de bois, ça pourfend des dragons des fougères et ça recherche le Saint Graal dans le vide sanitaire des maisons alentour. Mais le jeu de rôle, le vrai, celui avec des livres écrits par des professionnels, cela commence très tard. Quand j'arrive dans la grande ville. Je ne suis pas encore financièrement autonome, et pas question de demander de l'argent pour cela. Alors, j'utilise le budget réservé aux transports en commun pour m'acheter du Warhammer (le jeu des batailles fantastiques, d'abord, puis le jeu de rôle), et je me déplace à pied, parfois loin (Papa, Maman, maintenant vous savez ; mais bon, vous avez toujours su que j'adorais marcher). Cela commence, doucement.
Puis, c'est la révélation. La très grande ville. Toulouse (j'aurais pu étudier ailleurs, plus près, mais j'étais avide de foie gras, de cassoulet, de catharisme et d'indépendance). Là, en dessous de chez moi, un type (Boetsch, si tu me lis...) fait jouer à AD&D depuis quelque temps. À sa table, je rencontre ma femme (quelle veine !). En face, un autre type vient d'acheter un nouveau jeu, un truc prometteur qui vient de sortir. Ce type, c'est Thabanne (Nicolas Grevet pour sa bio du GROG). Ce jeu, c'est Agone. En fait, Agone m'a marqué. Après avoir longtemps incarné le minotaure Blanchécrin à la table de Thabanne, je me suis décidé à faire jouer. Quelque part, j'ai toujours su que je préférais faire jouer plutôt que jouer. Je n'ai, depuis lors, que rarement été du côté illustré de l'écran.
En 2004, Thabanne et moi poussons jusqu'au bout cette idée selon laquelle les travaux que nous rédigeons chacun pour nos tables peuvent être utiles à d'autres. Et puis, pour la gamme officielle d'Agone, c'est un peu la fin... Alors, ensemble, nous fondons le Souffre-Jour. Grâce au Souffre-Jour, en 2007, je rencontre Mathieu Gaborit lors des premières Chimériades. Le courant passe tout de suite et de nos discussions naît rapidement le "projet féals". Les Chroniques des Féals, le jeu de rôle. La route a été longue, depuis, mais les choses se concrétisent aujourd'hui grâce à toute l'équipe des Sombres Sentes, Sans-Detour et Nicolas Fructus. Plus que quelques semaines avant que je ne tienne ce livre, enfin, entre mes mains. Putain, 4 ans...
Rien d'alimentaire pour moi dans le jeu de rôle. De la pure passion, mais une passion dévorante. Il est (malheureusement) hautement improbable que l'écriture me rapporte un jour suffisamment pour que je lâche mon métier premier.
Si je joue souvent, et à quoi ? Oui, je joue souvent. Aussi souvent que possible, ce qui n'est pas si évident (le boulot, la famille, tout ça...). Plus d'une fois par mois, en tout cas, ce qui à une époque pas si lointaine ne m'aurait pas du tout paru "souvent"... Du D20, du Cthulhu avec Philippe (Auribeau)... Comme meneur, c'est Chroniques des Féals, mais j'entends Mouse Guard et Legends of Anglerre hurler dans mes tiroirs (je sais que ce n'est qu'une manifestation subconsciente de mon envie frénétique de les tester ; un livre ne hurle pas vraiment... n'est-ce pas ?). Et la couverture de Keltia (à paraître) me fait lourdement de l'œil (dès qu'il y a "celte", "arthurien", "Bretagne" ou "cercle de pierre" dans un truc, cela m'intéresse, qu'il s'agisse de Pendragon, de Wasteland, de Sacré Graal ou d'une émission sur Arte...).
Mes projets (note du biographe : si vous ne savez pas quoi écrire dans votre biographie, demandez le guide de rédaction d'une fiche bio à la passerelle du GROG, et répondez point par point) ? Du "vampire" à la Lindqvist, de l'historique / uchronique autour des Plantagenêt et, au loin, un roman (fou que je suis de penser pouvoir y parvenir).
Si je suis fier de ma carrière de rôliste ? Mouais. Bof. D'une part, je suis un éternel insatisfait, donc la fierté, c'est pour après. Et l'après n'existe pas, car la chose n'est jamais terminée. Ou pas assez bien. En fait, si je devais me sentir fier d'un truc, dans le jeu de rôle, ce serait d'avoir toujours une idée pour chasser la précédente, ne jamais me sentir "en panne". Ce qui n'est pas si génial, au final (surtout pour l'entourage), car on n'en voit jamais le bout.
D'autre part, pour moi, la fierté se réserve à d'autres formes d'accomplissement : voir naître ses enfants, fêter ses 60 ans de mariage... Dans ces occasions, oui, j'ai été fier (et le serai encore, j'espère... Les 60 ans de mariage, ce n'est pas pour tout de suite). Stéphanie, Aliénor, Siobhan... Je vous aime.
"And the man in the rain picked up his bag of secrets, and journeyed up the mountainside, far above the clouds, and nothing was ever heard from him again." (Mike Oldfield, Tubular bells III)
Pour en savoir plus : http://www.legrog.org/editorial/rubriques/interviews/les-feals-se-devoilent
Cette bio a été rédigée le 29 novembre 2009. Dernière mise à jour le 1 novembre 2011.