Je suis né et j'ai grandi à Colchester, dans le Vermont, banlieue de Burlington - la plus grande ville du Vermont avec environ 40 000 habitants. Burlington est une ville universitaire (avec l'Université du Vermont ou UVM, qui apporte 10 000 élèves à la population locale), mais elle ne comporte pas de musée d'art important ou une bonne salle d'exposition.
La science-fiction est entrée dans ma vie avec les films de la Guerre des Etoiles, qui a eu une grosse influence. L'Empire Contre-Attaque était pour moi LE film. Chaque fois que je le voyais mon dos était parcouru de frissons. Mais il y eut aussi Rencontres du Troisième Type, Alien et E.T., entre autres.
Vers cette époque le jeu de rôle embryonnaire, Donjons & Dragons, fit ses débuts, et cela m'a vite accroché. J'étais drogué de jeu. J'ai commencé avec D&D et, plus tard, Traveler. Puis nous avons modifié les règles, augmenté les sorts, etc. En fin de compte nous avons fait notre propre jeu. Je faisais mes propres cartes quadrillées, et même mon propre papier quadrillé. Je n'aimais pas jouer dans l'imagination de quelqu'un d'autre.
Comme beaucoup d'autes j'ai appris à dessiner à partir des meilleurs dessinateurs de comic (par exemple, John Byrne / les Fantastiques, Sal Buscema / Conan le Barbare, et Walt Simonson / Thor), et je passais des heures à dessiner mes propres personnages, qui étaient souvent inspirés par mes parties de Donjons & Dragons et mes lectures de J.R.R. Tolkien. Je crois que le genre récent du fantastique remonte à J.R.R. Tolkien et à la trilogie du Seigneur des Anneaux. Mes autres livres préférés comprennent les Chroniques Martiennes (Ray Bradbury) et The Lathe of Heaven (Ursula K. Le Guin).
Bien que cela fut un important jalon de ma carrière professionnelle artistique, je ne peux pas dire exactement quand j'ai commencé à dessiner et peindre de manière sérieuse. Mon enfance est parsemée de souvenirs de montage de maquettes, de jouets, de dessins l'après-midi, de lecture de comics, de peinture de figurines de plomb, de création de cartes pour le jeu de rôle, de projets d'illustrations à l'école... la liste se poursuit, de même qu'augmente mon niveau de difficulté de dessin. Ma formation classique est venue tardivement. J'ai commencé l'université à UVM par un cursus d'ingénieurie électrique, mais ce n'est qu'en seconde année que j'ai arrêté dans cette voie, et que j'ai pris des cours de dessin. La même année j'ai réalisé ma première série de peintures à l'huile, et depuis les années ont passé à essayer d'y travailler correctement.
Je me suis rendu compte que pour peindre sérieusement il me fallait poursuivre ma formation dans une école plus stimulante avec des collègues plus compétitifs. Je suis entré à l'université de Syracuse à l'automne 1989 pour suivre un cursus de Beaux-Arts. Tout compris, ma "carrière universitaire" prit six ans, mais elle porta ses fruits : je fais ce que j'aime faire.
Après le diplôme en 1992, j'ai déménagé à New York pour être plus près du monde du dessin. Je cherchais du travail comme illustrateur de couverture, en me concentrant sur les domaines de la science-fiction et du fantastique. Ce fut un grand pas. Il me fallut plusieurs mois avant ma première commande, et la ville de New York n'est un endroit où vivre à bon marché. J'ai résisté à la tentation de faire un travail "normal", et je joignais à peine les deux bouts en travaillant à temps partiel à la Société des Illustrateurs et en empruntant de l'argent à mes parents (qui m'ont soupçonné d'être cinglé). J'occupais tout mon temps à réaliser des échantillons sous la conduite de mon agent, à visiter les musées, à examiner le travail d'autres illustrateurs, et à participer à des expositions. Je partageais un petit appartement avec deux autres dessinateurs en herbe, et chaque jour je peignais 8 à 10 heures. Le dur labeur finit par payer, avec des commandes pour les couvertures des livres classiques de science-fiction La Machine à Remonter le Temps, de H.G. Wells, Un Yankee du Connecticut à la Cour du Roi Arthur, de Mark Twain, et Voyage au Centre de la Terre de Jules Verne. Depuis lors, j'ai trouvé du travail très régulier comme illustrateur de couverture indépendant.
C'est ici à New York (peu après mon arrivée) que j'ai rencontré mon épouse. Nous vivons à présent dans une maison en grès à Brooklyn, à quelques minutes du centre de l'univers du dessin, Manhattan.
Mon amour des belles peintures à l'huile remonte à ma formation de peintre à l'université de Syracuse. Pour moi, le résultat le plus important du peintre n'est pas l'image dessinée, mais ce que ressent une personne face à son travail. J'ai déménagé à New York pour être près de ses merveilleux musées, comme le Musée d'Art Métropolitain, le Musée Frick, le Musée d'Art Moderne. J'occupe encore de nombreux après-midi à rendre visite à mes dessinateurs préférés - Hans Memling, Jan Van Eyck, Velazquez, Caravaggio, Vermeer, Mondrian, Rembrandt. Je m'efforce de comprendre leur complexité et d'en faire profiter mes oeuvres. Pour moi il n'y a rien de plus impressionnant que de se tenir en face d'un énorme tableau de Velazquez de 4 m 80 de large sur 3 de haut, plein de personnages de taille réelle ! (En fait j'ai fait un pèlerinnage au Musée Prado en Espagne pour voir ce tableau.) Ou je vais passer de longs moments à observer les infimes détails d'un minuscule tableau de Van Eyck, 20 cm par 30, pressant mon nez contre le verre d'exposition pour voir des particularités presque invisibles à l'oeil nu. C'est le mélange d'esthétique classique avec mon amour de l'abstraction moderne que j'essaye de rendre en un unique style de dessin à travers mes peintures. Par exemple, le robot de "Construct of Time" a eu pour modèle l'inégalable sculpture de Michel-Ange, David.
J'ai entendu parler de Wizards of the Coast pour la première fois en 1995 à une convention de comics. Le dessinateur de WotC, Bryon Wackwitz, m'a montré quelques cartes qu'il avait faites, et j'ai été impressionné du potentiel créatif dans les illustrations du jeu. Comme je montais toujours ma carrière d'illustrateur de couverture, il s'est passé un an avant que j'envoie mon portfolio à WotC. Après cela, au risque de paraître ambitieux, j'ai téléphoné à la directrice artistique, Sue Ann Harkey. Sue Ann fut courtoise et m'a complimenté, et elle commanda tout de suite quatre dessins pour leur extension suivante, Mirage. J'étais enchanté d'une telle occasion.
Je me suis fixé un niveau d'exigence élevé dans la qualité de dessin de mes cartes. J'ai acheté quelques nouveaux livres sur différentes cultures africaines, et j'ai commencé à élaborer les styles et modèles de bijoux et vêtements de l'Afrique orientale, pour donner un bon aperçu culturel aux images que désirait WotC. Je suis fier de ces premiers résultats de mon labeur, et je suis ému du succès qu'ils ont eu : Grinning Totem, Amber Prison, Village Elder et Moss Diamond.
Je produis maintenant un relativement petit nombre de cartes, environ 3-5 cartes Magic pour chaque paquet, mais j'en fais un si petit nombre intentionnellement, pour réaliser quelque chose dont je peux être fier. J'essaye de faire de chaque carte un protrait distinct. Comme beaucoup d'entre vous l'ont remarqué, j'aime beaucoup peindre les mains, et les vieux visages ridés. J'en glisse autant que je peux dans mon travail. Je crois qu'une main peut autant parler d'une personne que le visage. Par exemle, dans Amber Prison, Sisay's Ring, ou Fyndhorn Elder, j'ai essayé de fournir une profondeur à l'individu au-delà de l'illustration.
Les dessins pour Magic m'ont permis d'atteindre un niveau de liberté artistique inaccessible dans les dessins de couverture. Je savoure la possibilité de créer une oeuvre sans avoir peur que des lettres aillent éclabousser ma partie préférée du dessin, et je relève le défi de créer des images assez fortes pour un cadre de 4 cm par 5. Ces "petites peintures" représentent aussi un parfait mélange de mon amour du réalisme et de graphiques abstraits. De plus, il y a peu de débouchés pour un dessinateur commercial, pour l'introduction de peuples et cultures non conventionnels dans les illustrations.
Je suis très reconnaissant envers WotC et les joueurs de leur aide à la promotion et au respect du dessinateur comme partie intégrante du jeu. Je pense qu'il est merveilleux que les joueurs puissent rencontrer les dessinateurs qui ont peint leurs cartes préférées, voir les dessins originaux, et avoir un autographe sur leurs cartes. Quand j'étais plus jeune, je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer aucun dessinateur qui faisait les comics et couvertures des livres que j'aimais et j'admirais. Je me sens obligé de donner aux joueurs et lecteurs quelque chose qu'ils puissent chérir, ce qui m'a beaucoup manqué.
De plus, travailler pour WotC m'a apporté des occasions de voyager fantastiques. WotC m'a emmené au Portugal, en Italie, en Suisse et dans des villes diverses des E.U. pour rencontrer les joueurs, signer les cartes et présenter mes dessins. Je prends toujours du temps à la fin de ces voyages pour visiter les musées locaux.
Mon jeu de cartes préféré est l'extension Weatherlight - Steel Golem, Peacekeeper, et Thran Tome. Je les aime car je trouve qu'ils sortent de l'ordinaire.
Steel Golem fut inspiré par un masque de danse africaine auquel j'ai donné une apparence high-tech d'argent/acier. Je voulais transmettre une espèce d'au-delà au Golem, tout en le laissant être captivant, délicat et matériel. Je pense que la recherche que j'ai faite a bien abouti à cet effet.
Peacekeeper fut commandé à l'origine en tant que Southern Paladin. Son uniforme à elle (oui, elle) a pour base un style africain. Je voulais évoquer le pouvoir et la grâce de l'individu (d'où l'utilisation d'une chemise blanche pour signifier à la fois autorité et innocence). WotC a tellement aimé la carte (et j'avais "posé" en arrière Thundermare, sans y faire attention), qu'il a monté le dessin à une carte plus puissante, Peacekeeper.
La dernière carte de cette série était le Thran Tome, utilisée pour l'emballage. Une fois de plus j'ai fait un petit travail préliminaire en mettant une nature morte dans mon studio avec un dictionnaire à la place du tome. J'amène souvent l'original aux tournois. J'ai ajouté pas mal de dessin supplémentaire au sommet et au bas, au-delà des exigences de la carte, et beaucoup de gens m'ont fait des remarques positives sur l'impact visuel. Un peu de travail supplémentaire a ici été bien payant.
Après qu'elle ait reçu cette série de trois, Sue Ann Harkey m'a commandé le poster de publicité pour le paquet. Je n'avais pas compris qu'il serait reproduit en un si large poster, et j'ai eu le plaisir de le voir m'accueillir et tous les joueurs au tournoi de pré-lancement.
Je commence une illustration, comme Amber Prison, par une recherche préliminaire dans la culture, l'architecture, l'environnement ou la littérature selon les besoins ou suggestions de la commande. Cette phase préparatoire m'emplit l'esprit d'images auxquelles je n'aurais pas pensées si j'avais tout de suite commencé à faire les brouillons. Pour Amber Prison, j'ai en fait acheté un vrai morceau d'ambre au Musée Américain d'Histoire Naturelle. L'ambre, avec ses insectes préhistoriques emprisonnés pour l'éternité, est toujours dans un présentoir de laiton de mon salon.
C'est seulement après ma recherche que je commence à faire des esquisses au crayon, brutes, abrégées, en essayant de trouver un arrangement et un éclairage qui répondent aux contraintes de l'illustration. La commande d'origine pour Amber Prison demandait juste un morceau d'ambre, mais je ressentais que mettre un objet qui serve d'échelle rendrait l'illustration plus intéressante, alors j'ai introduit une main. A partir des premiers brouillons, j'ai fait des dessins trois fois plus grands et descriptifs, que j'ai envoyé au directeur artistique pour approbation. Le dessin est le fondement de la plupart de mon processus créatif, et c'est à ce stade que je fais le plus d'expérimentation.
Après qu'un brouillon ait été approuvé, j'acquiers les accessoires (par exemple, la véritable ambre), des photos de référence secondaires de magazines et de livres (par exemple des images de bracelets pour la main et les robes de la femme piégée), et des photos principales de référence que je prends moi-même (par exemple, un modèle de main qui tient une pierre à la place de l'ambre). Tous ces éléments sont intégrés en un dessin final à la même échelle que l'éventuelle peinture. Je fais ensuite une photocopie du dessin sur du papier 100% coton et je l'installe sur un panneau masonite. Je préfère utiliser le masonite plutôt que la toile car c'est plus rigide et ça n'a pas toutes les bosses du tissage.
Enfin je commence à peindre à l'huile avec un vernis sur la copie du dessin, en adaptant la couleur de peinture pour unifier tous les éléments de référence que j'ai acquis. Pour compléter le tableau, je fais des observations in vivo - comme regarder les rayons de lumière qui rebondissent sur l'ambre et qui éclairent la peau par derrière - pour créer des petits détails qui permettent de donner un bon niveau d'illusion.
Les peintures des cartes de Magic, la Terre du Milieu, et Dune, ne représentent qu'une partie de ma carrière d'illustrateur. Je continue à travailler beaucoup pour l'industrie du livre de science-fiction, dont des éditeurs comme Penguin/ROC, Ballantine, Bantam, Tor, HarperCollins, et Avon. Vous pouvez voir mes dessins sur des livres de Larry Niven, Orson Scott Card, Barbara Hambly, Emily Devenport et beaucoup d'autres de vos librairies locales. J'ai aussi eu la chance de voir mon travail apparaître dans plusieurs numéros de Spectrum : The Best of Contemporary Fantastic Art (je suis en couverture de Spectrum V) et dans Infinite Worlds de Vincent DiFate, un inventaire d'illustrateurs de science-fiction du 20ème siècle. J'ai fait sur commande des dessins pour Amazing Stories, DC Comics, et des publicités pour la télévision, entre autres. Dans un amusant détour, j'ai aussi fait tous les dessins de la dernière édition du jeu de plateau Stratego (elle change tous les 10 ans), l'un de mes jeux d'enfance préférés. Je me suis servi de ma famille comme modèle pour les personnages, et si vous achetez le jeu vous verrez mes deux frères, mon père, mon beau-père, quelques amis et cousins et moi-même (je suis le colonel) dressés dans d'authentiques uniformes napoléoniens de l'époque.
Je suis presque tout le temps en train de peindre. C'est mon premier amour et celui qui m'occupe le plus (mes excuses à mon épouse). Dans mon temps libre, je travaille surtout sur des dessins non commandés liés à la science et aux scientifiques du passé et du présent. Quand je ne dessine pas, j'aime jouer au football et à Magic, et aux jeux de rôle avec mes amis. Ma nouvelle maison m'occupe beaucoup, et j'aime faire des choses et les rendre uniques. A New York il y a toujours des merveilleuses manifestations culturelles auxquelles participer, et nous allons souvent au musée, à des événements musicaux, et au théâtre.
Traduit d'après une interview de Wizards of the Coast du 23 août 1998, plus des éléments pris dans quelques articles, présents sur le site de l'auteur, avec son aimable autorisation.
Cette bio a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009.